LE MONDE À
L'ENVERS
CARNAVALS ET
MASCARADES D'EUROPE ET DE MÉDITERRANÉE
Du 26 mars au 25 août
2014
Commissaire
générale : Marie-Pascale Mallé
Commissaires
associés : Françoise Dallemagne, Frédéric Mougenot
Scénographie :
Massimo Quendolo et Léa Saïto
Co-production /
itinérance : Musée International du Carnaval et du Masque à
Binche (Belgique), partenaire de Mons 2015, capitale européenne de
la culture
Au Maroc, les mascarades berbères ont été intégrées aux fêtes
islamiques comme l’Achoura Matthieu Stricot
Dans les années 1960,
on croyait pouvoir prédire la mort de Carnaval, réduit à une fête
enfantine ou à une démonstration folklorique. Finalement, il n’en
est rien. Cinquante ans plus tard, le Carnaval se porte bien.
Partout, mascarades rurales et parades urbaines renaissent et se
réinventent, cherchant à renouer avec des rites très anciens ou
s’inspirant de formes revenues de très loin.
Le phénomène a pris
une telle ampleur que le MuCEM s’y est d’abord intéressé sous
la forme d’une« enquête-collecte »
destinée à enrichir les collections. Devant l’intérêt des
résultats de la recherche, il fut décidé d’organiser sous le
titre « Le Monde à l’Envers » une exposition consacrée aux
pratiques carnavalesques contemporaines.
Mais qu’est-ce
que le carnaval ?
On regroupe
aujourd’hui sous cette appellation des manifestations très
différentes :
les parades urbaines,
liées ou non au calendrier liturgique, anciennes ou récemment
inventées
les mascarades
rituelles de l'hiver, qui commençaient parfois à la Toussaint,
caractérisaient ailleurs la période des 12 jours ou de l’Epiphanie
ou les « jours gras » précédant le carême. Revisités, ces rites
masqués connaissent aujourd'hui un renouveau général.
les carnavals
tropicaux, qui connaissent un succès planétaire. Ils fascinent les
Européens qui s’y rendent et sont pratiqués en Europe comme une
fête identitaire par les immigrants originaires de la Caraïbe ou de
l’Amérique du Sud.
Les rites masqués de
la rive sud de la Méditerranée : mascarades de l’Aïd-el-kebir et
de l’Achoura dans les zones berbérophones du Maroc, nouvel an
berbère (Yennayer) dans l’Algérie Kabyle, Pourim juive. Les
mascarades berbères intégrées au calendrier islamique lunaire
connaissent aujourd’hui une relance en tant que fêtes berbères
anté-islamiques et se transforment parfois en carnavals urbains,
comme à Inezgane, dans la région d’Agadir. Comme les parades de
Pourim en Israël, les carnavals marocains actuels relèvent d’une
culture mondialisée du carnaval, qui mêle comportements
transgressifs, arts de la rue, revendications identitaires et joie de
participer à la fête.
Si différentes à
première vue, ces manifestations ont beaucoup en commun : des
personnages archétypiques, que l’on retrouve dans les villes comme
dans les campagnes, des comportements récurrents (excès
alimentaire, licence sexuelle et scatologie, inversions en tous
genres, droit des masques à révéler les inconduites et à
critiquer la politique locale ou internationale), mais surtout des
représentations communes de la fête. La liberté du carnaval, ses
transgressions, ses jeux de masques, son impertinence, sa capacité à
mettre en scène les diverses composantes sociales de façon souvent
polémique appartiennent à un fonds commun, admis par tous. Le
carnaval apparaît aujourd’hui comme une culture commune aux
sociétés de l’espace euro-méditerranéen et à celles qui en
sont partiellement issues, un substrat très ancien, fait d’emprunts
réciproques et de métissages.
La plupart des «
carnavaleux » savent qu’il s’agit d’une fête largement
répandue dans le temps et dans l’espace, même s’ils y
participent surtout pour se sentir membres de leur communauté. Vécu
à la fois comme une fête identitaire et universelle, le carnaval,
par ses jeux de masques et de dévoilement, nous parle des sociétés
contemporaines.
L’exposition «
le Monde à l’Envers »
Il y a bien des façons
d’envisager une exposition sur le carnaval, notamment autour du
masque et du déguisement, de la folie collective, en proposant une
description historique et typologique des différentes fêtes ou
encore une approche plus technique sur les arts de la rue et les
savoir-faire développés par les carnavaliers comme par les
particuliers, qui donnent libre cours à leur imagination dans la
confection des costumes et l’élaboration des chars.
L’exposition « Le
Monde à l’Envers » développe un autre point de vue. En effet,
après avoir arpenté de 2008 à 2012 des terrains aussi différents
que les mascarades des Pyrénées ou des Balkans et les carnavals
urbains de Cayenne, Dunkerque ou Notting Hill, il est apparu que la
richesse des pratiques carnavalesques actuelles tient aux
représentations que l’on en a. L'une des principales raisons du
renouveau actuel des carnavals et mascarades est la fascination
qu'exercent, sur un public en quête de sens et d'authenticité, les
caractères archaïques de la fête carnavalesque. Partout, les
mascarades rurales et les carnavals dits « traditionnels » ou «
historiques » renaissent, en s'appuyant parfois sur les écrits des
ethnologues ou des folkloristes de la fin du XIXe siècle. Acteurs et
spectateurs évoquent le besoin de perpétuer un rite « ancestral »
et propre à leur communauté, même s’ils le réinventent en
grande partie.
L’exposition « Le
Monde à l’Envers » invite donc à un voyage dans l'imaginaire
carnavalesque. Le parcours comporte des moments d’immersion
puissants et jubilatoires et des temps de réflexion sur ce que cette
fête nous apprend de nous-mêmes et des sociétés contemporaines.
1ère partie :
Les masques de l'hiver ou la refondation
Faire le cerf : Cernunnos ou la calendes de Janvier.
Par désir de se démarquer de toute influences grecos-latines, on peut aussi chercher dans le carnaval un signification "nationale", fondant une identité ethnique. Ainsi les masques des cerfs on pu être mis avec le dieu celte Cernunnos.
Les folkloristes et
ethnologues du début du xxe siècle ont souvent décrit le carnaval
comme un rite de magie agraire. Les carnavaliers d’aujourd’hui se
réapproprient ces interprétations. À la ville comme à la
campagne, le carnaval est toujours vécu comme une fête du
renouveau. Même si elles semblent immémoriales, les pratiques
décrites dans cette première section sont accomplies par des
contemporains parfaitement intégrés dans la vie moderne, qui les
ont en partie réinterprétées.
Vidéo
d'introduction de l'exposition.
Accompagné de sa
fileuse.
Convoquer
les esprits de la végétation.
Les masques convoquent
les esprits de végétations, afin de stimuler le renouveau de la
nature. Comme le montre ces deux exemples espagnoles, les costumes
d'homme arbre et d'homme de feuilles de maïs sont parmi les plus
beaux des mascarades contemporaines.
Homme arbre et
homme de feuille de maïs.
Silio, Cantabria,
Espagne.
XXI siècle
Ecorce, feuilles de
maïs, toile de jute.
Rejouer
la domestication des animaux
De
nombreuses mascarades rejouent la scène originelle de la
domestication des animaux comme a Otana en Sardaigne, où le carnaval
met en scène la domestication des Boes (les Boeufs) par les
merdules (les maîtres).
Boe
(Boeuf) et Merdule (Maitre).
Ottana,
Sardaigne, Italie.
2013
Peau de mouton,
métal, bois
Musée
international du Carnaval et du Masque
Binche, Belgique.
Masque de Boe
(Boeuf).
Gonario Denti,
sculpteur.
Ottana, Sardaigne,
Italie.
2005
Le bestiaire Carnavalesque.
Les masque Animaux dispense vigueur, fertilité, fécondité. Tout comme le Roi Carnaval, condamné, executé mais qui reviendra l'année suivante ils symbolisent par leurs jeux de morts et de résurrection la victoire de la vie sur la mort.
Ours
Arles-sur-Tech, France
XXI siécle
Materiaux synthetiques
Groupe folklorique Alegria et Festa de l'os Petit
2ème partie : Cacher ou révéler ? Le pouvoir des masques
Le visiteur est accueilli dans cette section par un ensemble de témoignages de « masqués » qui rendent compte de l’émotion et de la ferveur des acteurs du carnaval et permettent de s’interroger sur la relation au masque du spectateur comme du porteur, sur l’être et le paraître, le personnage et la personne.
En vieux français comme en italien, le mot « masque » désigne l’ensemble du costume et par extension le personnage. Mais l’objet qui cache ou remplace le visage reste le plus intrigant. Le masque dissimule et révèle. Il exhibe notre moi secret et transcende la frontière des apparences. Quand sommes-nous le plus nous même ? Sous le masque social de la vie quotidienne ou derrière le masque de carnaval, qui procure la liberté de l’anonymat et permet de donner libre court à nos pulsions ?
Derrière le masque
Le visiteur est accueilli dans cette section par un ensemble de témoignages de « masqués » qui rendent compte de l'émotion et de la ferveur des acteurs du carnaval et permettent de s'interroger sur la relation au masque du spectateur comme du porteur, sur l'être et le paraître, le personnage et la personne.
L’héritage
Depuis l’Antiquité, dans les cérémonies funéraires ou le théâtre, le masque est employé comme visage de substitution. Il fait disparaître le commun et le mortel et le remplace par le puissant ou l’extraordinaire. Cette métamorphose est d’autant plus efficace que l’objet fascine et effraie. Ainsi dans l’ornementation savante ou populaire, le visage de face comme le masque repousse le mal. Des masques funéraires, des masques de théâtre et des masques prophylactiques illustreront la longue histoire des masques en Méditerranée.
Masque de vieux
Porté lors du jeu de la veillée funèbre, Palten, Roumanie
XX em siecle
Bois, peau textile
Musée international du carnaval et du masque, Belgique.
Masque d’ancêtre
Paul Buta, Galati, Moldavie, Roumanie
Fin du XXem siecle
Matière végétale, tissu, peau de chèvre
Museu
m national d'histoire naturelle, Paris
Haut les masques
Une grande variété de masques de carnavals sont présentés dans cette partie de l’exposition, afin de faire prendre conscience de l'extraordinaire richesse et variété de ce patrimoine à travers l'espace euro-méditerranéen : masques en bois, en écorce, en tissu, en métal, en papier mâché, témoigneront de l’importance et de la permanence des rites masqués dans tous les pays de l’espace euro-méditerranéen
Le laid, la sorcière, l'avare, le berger, le gitan, le mauvais esprit.
Galati, Roumanie
Fin du XXem siecle
Tissus, cuir, matériaux végétaux : Maïs, chanvre, noix, graines, ect...
Museum national d'histoire naturelle, Paris.
3ème partie : En suivant la parade : la fête à l’envers ou le domaine de l’ambivalence ?
Se présentant sous la forme d’une parade, le visiteur se trouve dans la posture du spectateur qui suit le défilé. Le regroupement des personnages par thèmes, dialoguant avec l’iconographie ou les objets placés en regard, invite à prendre conscience de la signification de certaines mises en scène carnavalesques.
Nous et les autres
Le combat des contraires, les jeux d'inversion entre hommes et femmes, maîtres et esclaves, sauvages et civilisés, proches et étrangers sont au cœur des jeux carnavalesques. On peut ainsi explorer la part de folie, de sauvage, d’ambigüité sexuelle qui est en soi, représenter l'autre avec toute l'ambivalence des sentiments qu'il nous inspire, être un autre pour quelques heures ou quelques jours.
Plus précisément le carnaval invite à redéfinir qui nous sommes et, par la mise en scène de l’altérité, à se reconnaître entre soi. Les déguisements d’ « étrangers » sont universels : hommes sauvages, populations marginalisées comme les itinérants, les gitans, les juifs ou encore étrangers exotiques, comme les Maures ou les Turcs, campés comme des soldats armés de sabres ou des princes d’Orient opulents et raffinés.
Jeunes ou vieux, nains ou géants, hommes ou femmes : le corps grotesque
Le corps en devenir, le corps ambigu, le corps difforme … La transgression grotesque, qui relativise et malmène les règles d’harmonie et de mesure traditionnellement admises, est propre au vocabulaire carnavalesque. Géants, grosses têtes, travestissements d’hommes en femmes, masques grimaçants illustrent cet aspect bien connu du carnaval
Du carnaval au carnavalesque : le grand charivari
La refondation de l’ordre social invite à redéfinir qui nous sommes mais aussi à faire place nette de toutes les dissensions, de toutes les fautes de l’année écoulée. Révéler les inconduites des uns ou des autres, critiquer la politique locale, régionale ou internationale, mettre en scène les peurs contemporaines pour les exorciser : du procès pour rire des carnavals de village aux grands défilés de chars de Cologne et Viareggio, de la dérision à la manifestation contestataire, le langage carnavalesque est au service de la critique sociale et politique. A côté de la caricature des hommes politiques et de la dénonciation des scandales, petits et grands, la crise économique et financière est une source d’inspiration inépuisable, comme le montrent ici chars et costumes acquis dans des parades récentes.
Débauche carnavalesque avant le jeûne du Carême. Le Roi carnaval ventru et mangeur de viande contraste avec la Dame Carême famélique qui se contente de poisson
Cette section entraîne le visiteur du carnaval au carnavalesque, un mode d’expression populaire qui prolonge la pratique du charivari, le langage spécifique de la contestation, et contamine d’autres types de fêtes urbaines, les manifestations d’étudiants et de syndicalistes, les stades ou la gay-pride.
Rêves d'ailleurs
Les carnavals du monde entier sont aujourd’hui une destination touristique. A la recherche d’émotions nouvelles, des Européens fréquentent les carnavals tropicaux et sud-américains et en adoptent les rythmes, les plumes et les paillettes ; des immigrants de ces pays les importent en Europe comme symbole de leur culture. Les costumes d’un jeune belge participant au carnaval de Rio et ceux des blondes sambista d’Helsinki illustrent ces aller-retour et la mondialisation du carnaval.
Plus précieux et secret, le carnaval de Venise fascine toujours et permet aussi de s’évader, non dans l’espace mais dans l’histoire. L’association des Masqués vénitiens de France prête au MuCEM à l’occasion de cette exposition des costumes que leurs membres réalisent pour vivre leurs rêves.
Après avoir traversé le bûcher du bonhomme carnaval, il est temps de revenir dans le monde à l’endroit.
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